Monday, January 5, 2009

Thursday, October 11, 2007

10.10.07-*

Arrivé à Iguazu après 16 heures de route, mais heureusement les bus argentins n'ont rien à voir avec leurs homologues thaïs. En gros le confort est celui d'une cabine d'avion première classe: température raisonnable, bonnes suspensions et silence relatif, larges sièges-couchettes très confortables, couverture et oreiller, plateaux-repas, toilettes, le luxe quoi, et j'ai ma foi pas mal dormi du tout. Je suis de retour sous mes chers tropiques, ou pas trop loin: il fait agréablement tiède et humide, l'air sent bon les fleurs et la terre mouillée, la végétation déborde de partout, et tout fonctionne au ralenti. Je peux ressortir mes schlarps et mes shorts, a fait un bien fou, après plus d'un mois dans des villes où, initalement, je n'avais prévu de passer que deux semaines. Je réalise à quel point l'odeur de la nature m'avait manquée, à force de ne respirer que des nuages de gaz d'échappements noirs et gras (les compagnies de bus sud-américaines en particulier devraient toutes être jugées pour génocide).

Après le steak-frite de rigueur, je me met en piste pour les fameuses chutes d'eau d'Iguazu, raison de ma présence ici, à la frontière du Brésil et du Paraguay, et que ne vois-je pas sous mes zieux zéblouis: une moto-taxi! Pas de doute, je suis bien de retour dans le vrai Sud.
Il y a parait-il une théorie selon laquelle les chutes d'eau génèreraient des ions négatifs qui auraient des effets sur l'humeur des gens. Je ne sais pas à quel point c'est sérieux, mais le fait est que plus je m'approche plus je me sens bizarre. La température est tellement douce, et l'air sent si bon le début d'été, et tout est si vert et beau...

Un coati. Proche parent du raton-laveur qui aux arbres comme un écureuil.

Je commence à avoir une boule dans la gorge, de plus en plus grosse, aucune idée pourquoi. Et quand j'arrive au premier point de vue sur les chutes... je m'effondre intérieurement. En fait je dois faire un très gros effort pour ne pas eclater en sanglots, et je ne peux pas m'empécher de pleurer, c'est pathétique. C'est tout simplement ce que j'ai vu de plus grandiose de toute ma vie, point-barre. C'est magnifique au delà des mots, débordant de vie, de généreuse puissance, de vitalité primordiale.

La jungle est si dense et verte qu'on dirait un tapis de mousse sur laquelle on a envie de s'étendre, des dizaines de grands oiseaux de proies planent au dessus des nuages de vapeur, les chutes colossales et rugissantes s'étendent en arc de cercle et à perte de vue sous le soleil de fin d'après-midi et moi je m'accroche à la barrière en essayant de toutes mes forces de garder un certain contrôle sur moi-même. Bon, il faut dire que les quelques substances illégales que j'ai pris samedi soir à Buenos Aires, suvis des quelques somnifères que je me suis envoyé pour le voyage en bus n'ont sans doute pas fait que du bien à mon système nerveux, mais quand même. C'est beau comme le plus grandiose des rêves. Cela me rappelle cette exposition sur la représentation artistique du Déluge (bon sang, c'était où déjà?) et en particulier la salle consacrée aux peintres romantiques, avec ces cataclysmes aux dimensions tellement énormes, exagérées, impossibles qu'ils en deviennent surréaliste. Sauf que là, c'est bien réel, et tellement colossal qu'aucun peintre ne pourrait en exagérer les dimensions. Et il paraît que ce n'est pas le point de vue le plus impressionant...

*




















18.10.07 - *

Aprês m’être fait lourdement arnaquer par le taxi depuis l’aéroport (conseil: ayez toujours une idée du taux de change en débarquant dans un pays), j’arrive à Santiago dans un piteux état (près de 17h de vol, avec escale à Auckland, Nouvelle-Zélande) le jour de la fête nationale, qui marque en fait le jour de l'élection du premier gouvernement chilien . Manque de bol, celle-ci est apparemment précédée de trois ou quatre jours de festivités, qui culminent donc ce soir, mais je n’ai vraiment pas la force de sortir. Le lendemain matin, un peu retapé, je sors dans une ville morte - pas une voiture sur l’Avenida General O‘Higgins, juste quelques bus qui crachent une fumée noire, de rares piétons et surtout des flics partout.

Silence, tous les magasins sont fermés. Tout ça a un côté un peu totalitaro-communiste, renforcé par l’architecture sévère des bâtiments officiels qui entourent (et écrasent) le palais de la Moneda, siège historique du gouvernement.

Salvador Allende, président nationalisateur et suicidé.

Au loin, des tambours. Et voilà que débarque un régiment de marine en grande tenue, et un autre d’infanterie, et un détachement féminin, et une fanfare, qui défilent devant un public pour le moins clairsemé, mais respectueux. J'apprendrai par la suite que le 19 est officiellement le Dia del Ejercito, le jour de l'armée. Juste pour rire, imaginez un "Jour de l'Armée" en Suisse, où on en est presque à interdire la fête nationale de peur des nationalistes...

Après avoir suivi le défilé un moment, histoire de voir la suite des officialités, je renonce et pars à la découvert de la ville dans des conditions assez idéales: il fait beau et il n’y a personne. En gros, Santiago ressemble un peu au Valais si Martigny avait 5 ou 6 millions d’habitant. La ville s’étend dans la plaine au pied des Andes, ponctuée par plusieurs grandes collines boisées assez abruptes.

Le Cerro Santa Lucia est une de ces collines, autrefois un hermitage, puis un couvent, puis un bastion militaire, c'est aujourd'hui un très joli parc tout en dénivelés, pleins de fontaines baroques, d’escaliers monumentaux et de faux châteaux forts qui offrent une jolie vue sur le centre.

En redescendant, on arrive dans le Parque Forestal, point de rassemblement de hordes de kids en noir, metalleux, goths ou emos, les vendredis et samedis en fin d‘après-midi. D’ailleurs en rêgle générale, la jeunesse de Santiago a l’air très rock, jamais vu autant de t-shirts de groupes metal, toutes tendances confondues, goth , ou punk. Ils ont même un centre commercial rien que pour eux, quatre étages de boutiques de fringues ou d’accessoires, disquaires, perceurs et tatoueurs, mangas et jeux vidéos, en plein centre ville.

Au milieu du parc, la monumentale Fontaine des Allemands, offerte à la ville de Santiago par l’importante communauté allemande locale vers 1890. On remarque le bras tendu, arf-arf.

Tout au long de l’Avenida O’Higgins, de beaux bâtiments du XIXe siècle, transplantés directement d’Europe, comme le théâtre…

Ou le Palacio de Bella Artes, pas bien grand mais lumineux et refait à neuf.

Sur la Plaza de Armas, je m’envoie mon premier Bife a la pobre: une monstruosité calorifique composée d’une grosse semelle de bidoche, deux œufs au plat, une louche d’oignons frits et une plâtrées d’énormes frites bien grasses, servie avec du pain blanc et du beurre. Burrrrrrp.
Autre spécialité typique, le Completo: un hot-dog augmenté de tranches de tomates, d'oignons, de guacamole (pâte d’avocats) et d’une bonne dose de mayonnaise. Rrrrrreup. Je n’ai jamais compris comment manger ça sans s’en mettre partout et en conservant un minimum de dignité.

Autant le dire: le Chili, enfin Santiago, est à l’image de sa gastronomie: sympa, traditionnel et rustique. Simple et sans chichi. Pas vraiment au top de l'élégance branchée urbaine - mais c’est ce qui fait son charme. J’ai l’impression de retrouver l’Espagne post-franquiste de la fin des années 80, cette impression que le temps s’est arrêté vers 1965, dans ces cafés aux sièges en plastique et aux carrelages noir et blanc, ces galeries marchandes dignes de Monsieur Hulot. Ce doit être le propre des ex-dictatures militaires, et je ne doute pas que d’ici vingt ans au plus Santiago sera aussi cosmopolite, hype et globalisé que Madrid aujourd’hui, et que les galeries marchandes auront les mêmes putains de vitrines Zara, Mango et Tommy Hilfiger que le reste de la planète. D’une dictature à l’autre, quoi. Il est vrai que le Marché et ses fidèles n'exécutent pas physiquement les opposants. Devant mon hôtel un soir, un rassemblement de gauchistes, étoiles rouges et portraits du Che en avant, m'apprend que l'immeuble de l'autre côté de la rue était apparemment du temps de Pinochet une maison où l'on entrait les menottes aux poings et d'où l'on ressortait parfois les pieds en avant.

Le lendemain, je me lance (en funiculaire, le plus fort dénivelé du monde, à ce qu'il parait) a l'assaut du Cerro San Cristobal, la plus haute colline, couronnée d'une Vierge Marie monumentale.

De là, vue imprenable depuis la cabine du téléphérique... la carte postale.

Par le plus improbable des coups de chance (étant entré sans savoir pourquoi dans une librairie du centre, je suis tombé sur un bouquin, Santiago Bizarro, sorte de guide alternatif où j'ai pioché plein d'adresses introuvables ailleurs, dont celle-ci), je passe un dimanche merveilleux à flaner dans un énorme marché au puces en périphérie, où l'on trouve tout et plus encore dans une dizaine de halles et et dans les rues avoisinantes à des prix carrément sympathiques. Je rentre avec une veste en cuir (ça caille), plein de DVDs et un walkman, et après avoir fortement hésité à acheter une magnifique décoration allemande de 1944 (le Chili a acceuilli pas mal de militaires allemands après la défaite, m'a expliqué le pépé du stand). Et comme je regrette retrospectivement de n'avoir pas eu le reflexe de me jeter sur ces badges "Gracias General!" à la mémoire de Pinochet...

Après cinq jours à Santiago, j'ai déjà le sentiment d'en avoir à peu près fait le tour. Je reprend donc la route pour Valparaiso.

Quatre heures de route à peine, à travers les vignobles, la pampa et les montagnes.
A la gare routière de Valpo, une petite bonne femme me propose sa pension, photos et recommendations de routards à l'appui. Pourquoi pas.

Je me retrouve dans une petite cabane de bric et de broc au fond du jardin, qui n'est pas sans me rappeller furieusement la maison (en plus rustique encore). Très sympa, mais sans chauffage - et bon sang comme je me les gèle le soir au lit, malgré les cinq couvertures, mon pull à capuche et mes chaussettes.
Le lendemain, déjeuner avec la famille, franchement adorable. Les tableaux qui recouvrent chaque coin de mur (dans ma cabane aussi) sont de la main de la petite dame, Nelly de son prénom. A droite, son fils, Pedro. Je fais la connaissance de Luc, un Parisien très sympa, sur la route en Amérique latine depuis 10 mois et qui a tenu à revenir ici quelques jours avant de rentrer en France. Il partagera ma cabane (il y a deux chambres). Le soir il fait à manger et on se descend une excellente bouteille de rouge chilien en parlant de nos aventures respectives.

Les mots "pittoresque" et "bohème" ont été inventés pour Valparaiso, bombardé "Patrimoine de l'Humanité" au même titre que Luang Prabang. Mais si l'Unesco à l'intention d'appliquer le même traîtement de "réhabilitation" qu'au Cambodge à ce cliché de port crade et mal famé, elle a intérêt à prévoir beaucoup, mais alors vraiment beaucoup, de temps et d'argent - il y a du boulot.

Sûr, les maisons multicolores qui s'accrochent aux collines surplombant le port sont un bonheur à photographier (surtout s'il pouvait faire un peu de soleil, bon sang - il fait un froid humide qui glace jusqu'aux os), mais on n'a guère envie d'entrer dans ces bars de marins qui n'ont pas dû voir la lumière du jour depuis le début du siècle (passé) et où les bagarres d'ivrognes doivent être au moins hebdomadaires.

Dans les ruelles, des dizaines, des centaines sûrement, de chiens errants vous regarde d'un oeil soupçonneux et aboient méchamment quand ils repèrent l'étranger du dehors, et à la tombée du jour je préfère éviter de repasser par certaines ruelles et placettes où traînent gueules cassées et alcoolos patibulaires.

Cela dit, j'envie les milliers de jeunes Chiliens qui viennent y étudier; cette ville est parfaite pour ces années-là.

Les quartiers résidentiels, sur les collines, sont reliés au centre, El Plan, par des funiculaires vertigineux, vieux d'un siècle ou davantage, qui grincent et brinquebalent de manière assez inquiétante.

Le soir, les nuages se déchirent parfois. Vue de Valparaiso depuis la maison.

Le système de transport en commun de Valparaiso est assez particulier, pour ne pas dire incompréhensible. D'une part, des micros, minibus qui arborent chacun plusieurs numéros, entre 1 et 600 (!), sans aucune logique apparente, augmentés de un à cinq panneaux de destination et/ou de parcours) différents, collés n'importe où, sur le pare-brise ou sur les côtés. D'autre part des collectivos, soit des taxis collectifs, qui n'effectuent qu'un seul circuit, en boucle. Pour descendre en ville, c'est facile, mais pour en revenir, je n'ai jamais trouvé le micro ou le collectivo qui passait devant chez moi. C'est extrêmement agaçant, et j'aurais bien fracassé un de ces chauffeurs qui me regardaient comme si je leur demandais si ils allaient sur la lune.

Ma cabane surplombe un port de pêche où, le matin, des centaines de pélicans et quelques énormes phoques guettent les restes.
Bon sang, Riki et l'Amiral (ci-dessus, réclamant sa pitance à ce crétin de gringo qui ne lui lance pas de poissons) réunis, ne manquent plus que Pingo et Petzi lui-même! Sans doute encore en train de se goinfrer de crèpes...

Petite excursion à Viña del Mar, station balnéaire préférée de la bourgeoisie chilienne, à quelques kilomètres de Valparaiso (en fait, les deux agglomérations se sont rejointes depuis longtemps). Mes logeurs, comme apparemment tous les habitants de Valparaiso, adorent Viña, alors que vraiment, vérification faite, il n'y a rien de spécial à y voir ou à y faire, surtout hors-saison. Simplement, c'est propre, relativement moderne, avec des rues piétonnes et des plages (bordées de tours locatives et garnies de jetées au charme post-industriel affirmé, mais bon). Bref, tout le contraire de Valpo, la ville qui sent le pipi.

N'ayant aucune idée ni de l'oeuvre ni de la vie de Pablo Neruda, poête national du Chili, aller voir sa maison de Valparaiso ne présente qu'un intérêt assez limité. Je décide don de rentrer à Santiago, histoire de ne pas manquer... la gay pride chilienne! Yeah baby!!
Bon, le Chili n'est vraiment pas le Brésil, et Santiago n'est pas San Francisco. Question strass, paillettes, muscles huilés et seins en silicone, ça n'est pas le top. Mais enfin, la Marcha del Orgullo est un bon moment de franche rigolade.

Les travs locaux vivent leur quart d'heure de gloire.

Déchaînées, les plus folles se lancent dans une exhibition hautement érotique (achtung: ironie) sur la pelouse devant la Moneda, poursuivis par une meute de photographes et de caméras, dont votre serviteur, qui se la joue un peu "presse internationale". Le contraste avec le défilé militaire au même endroit une semaine plus tôt est assez radical. Si le Général voyait ça... il y aurait tout à coup beaucoup de monde dans l'immeuble en face de mon hôtel, pour sûr.

Dans un coin quelques cathos conservateurs bon teint manifestent leur désapprobation, cachés derrière une rangée serrée de policiers en tenue anti-émeute. Comme le week-end passé, je suis frappé par le nombre de flics, sans doute plusieurs centaines, pour encadrer une manifestation tout ce qu'il y a de plus fun et bon enfant. J'ai pourtant de la peine à imaginer toutes ces folles et ces drag queens se mettre à casser des vitrines...
La confrontation: les travs tout émoustillées narguent les beaux flics anti-émeutes dans leur uniforme si viril avec leur grande matraque. Remarquer le magnifique profil de Bourbon de la créature en rouge.

Bon, assez rigolé. Un petit saut par dessus les Andes, l'Argentine m'attend!